Emir Kusturica


"Je suis né plusieurs fois, et il est certain qu'une de mes naissances a eu lieu à Cannes."


Né le 24 novembre 1954 à Sarajevo en Yougoslavie, Emir Kusturica a réalisé huit longs métrages et deux films TV. Parmi ses nombreuses distinctions, il a reçu deux Palmes d'Or à Cannes pour Papa est en voyage d'affaires et Underground, et l'Ours d'Argent (Prix Spécial du Jury) à Berlin pour Arizona Dream.


Biographie

Emir Kusturica est né à Sarajevo, capitale de l'actuelle Bosnie-Herzégovine. Bien que bosniaque musulmane, sa famille a des origines slaves orthodoxes. Son père Murat, comme des millions d'autres yougoslaves, avait renoncé à sa foi pour devenir communiste. Emir, fils unique, dénonça a son tour le communisme pour devenir... cinéaste. Le jeune Emir, peut être par opposition à sa "bonne" famille (son père travaillait au Ministère de l'Information de Bosnie-Herzégovine), se liait facilement d'amitié avec des "voyous" de Sarajevo. Ses parents décidèrent à 18 ans de l'envoyer à l'étranger pour apprendre le cinéma : à la prestigieuse FAMU, l'école de Prague d'où sont notamment sortis Miloš Forman ou Goran Paskaljević.

Très vite appréciés, ses premiers courts métrages sortent rapidement ce jeune étudiant du lot. Son professeur à l'époque l'avait déjà remarqué : Guernica, mais surtout Buffet Titanic qui dénonce le racisme juif sous la deuxième guerre mondiale, avaient déjà faits une impression favorable et lui avait dit : "La seule chose que tu laisseras derrière toi sera tes films ; la fin justifie les moyens". Cette phrase l'a marqué et l'a aidé a mener à bien ses premiers projets personnels, notamment le très risqué Papa est en Voyage d'affaires, dénonçant les déportations politiques de la Yougoslavie communiste, sujet hautement tabou encore à l'époque, c'est à dire peu après la mort de Tito. Jusque là, Emir avait toujours tourné dans sa propre langue, en faisant même parler les acteurs avec leurs accents régionaux, comme pour mieux marquer le pluralisme de la Yougoslavie : pour cela Te souviens-tu de Dolly Bell est le premier film yougoslave qui n'est pas tourné en serbo-croate (l'équivalent du "BBC english"). Délaissant quelque temps la caméra après la victoire inattendue à Cannes pour Papa est en Voyage d'affaires, Emir Kusturica joue de la guitare basse un an dans un groupe de punk-rock de Sarajevo : le Zabranjeno Pušenje (interdiction de fumer). Le groupe est subversif, les paroles des chansons corosives, le style éclectique.

Emir se tourne alors vers l'étranger et tourne ensuite en romanès pour Le Temps des Gitans puis en anglais pour Arizona Dream. En effet, appelé à New York par la Columbia (producteur du Temps des Gitans), Emir donne des cours de cinéma à la Columbia University. Un de ses élèves lui soumet un script qui deviendra Arizona Dream. Mais pendant ce temps, la guerre éclate dans les Balkans, et loin de sa famille, Emir est de moins en moins capable de travailler. Le tournage s'en ressent et le film prend des allures sombres... Suite à cette expérience, Emir sent le besoin de revenir au pays et de raconter aux occidentaux quelle était l'histoire de son pays, et se lance dans son oeuvre la plus ambitieuse : Underground. Sur un scénario de Dušan Kovačević, grand dramaturge yougoslave, il tisse l'histoire des 50 ans de son pays, depuis la seconde guerre mondiale jusqu'à l'actualité la plus récente. Sous une forme burlesque empruntant aux grands maîtres du cinéma, le fond peut paraître ambigü à ceux qui en font une lecture partielle. Avec la sensation d'avoir fait son "devoir", et surtout le sentiment de n'avoir pas été compris, Emir pense se retirer du cinéma (voir la polémique initiée par les intellectuels parisiens)... Sa deuxième Palme d'or reste malgré tout comme la plus significative, et le hisse parmi les plus grand réalisateurs contemporains.

Rapidement, Emir Kusturica revient sur sa décision et décide de verser plutôt dans des sujets plus légers, bref de faire des "happy ends" avec ses derniers films : Chat Noir Chat Blanc, Super 8 Stories. L'optimisme est visible sur scène également puisque depuis Chat Noir Chat Blanc, Emir retrouve Nelle Karajlić et ses amis de Zabranjeno Pušenje, groupe rebaptisé sous leur traduction anglaise : No Smoking Orchestra, et compose, joue et part en tournée mondiale. Le succès de cette tournée est aussi impressionnant dans tous les pays visités, d'Amérique du Sud au Japon. Emir retourne alors derrière la caméra pour se reconcentrer sur un nouveau tournage fleuve : les prises de vus pour La vie est un miracle dureront un an et demi, et Emir tombera amoureux des paysages de Mokra Gora : la nature y a quasiment le rôle principal tant les scènes sont grandioses, et les couleurs spectaculaires. Une fois le film terminé, Emir y fera construire un village : Küstendorf, dans le but d'y ouvrir une école de cinéma, de promouvoir l'agriculture biologique locale, d'y recevoir sa famille, ses amis... Mais toujours taraudé par la musique, Emir enchaîne la promotion du film avec une nouvelle tournée mondiale de son groupe de musique.

De retour à Cannes en mai 2005, Emir Kusturica est choisi pour être le président du jury du festival. Un honneur qui vient couronner une oeuvre déjà immense...

Filmographie

Notons qu'en 1982, Emir Kusturica est assistant réalisateur sur le film "13 juillet" de Radomir Saranović. Ce film est l'adaptation d'une nouvelle de Borislav Pekić (l'auteur monténégrin de la grandiose épopée "La Toison d'Or"), et rassemblait dans son casting Miki Manojlović, Aleksandar Berček (Veljo dans La vie est un miracle), Slobodan Aligrudić (qui joue le père dans Te souviens-tu de Dolly Bell ?, et Ostoja Cekic dans Papa est en voyage d'affaires), ainsi qu'Emir Kusturica lui-même, dans un petit rôle d'officier italien.

Emir Kusturica a également réalisé de nombreux films de publicité, et a fait l'acteur dans certains de ses films, ou sous la direction d'autres réalisateurs.


Touche à tout, Emir Kusturica passe sa vie entre les caméras, les festivals, les concerts avec le No Smoking Orchestra et Küstendorf, le village qu'il a construit en Serbie.