Küstendorf


"J'ai perdu ma ville durant la guerre. C'est pourquoi j'ai souhaité bâtir mon village. Il porte un nom allemand : Kustendorf. J'y organiserai des séminaires pour les gens qui veulent apprendre à faire du cinéma, des concerts, de la céramique, de la peinture. C'est la ville où je vais vivre et où certaines personnes pourront venir de temps en temps. Il y aura bien sûr d'autres habitants qui travailleront sur place. Je rêve que cet endroit soit ouvert à la diversité culturelle et s'érige contre la mondialisation." (Emir Kusturica, juillet 2004)

Emir Kusturica a longuement travaillé ce projet, qui est en train de devenir réalité. Küstendorf est le nom du village traditionnel qu'Emir a fait construire sur les lieux du tournage de La vie est un miracle, au sud ouest de Belgrade en Serbie, près de Mokra Gora, non loin de la frontière bosniaque.

Le nom (allemand) du village a été choisi par Emir lui même. Il est surprenant d'apprendre qu'il signifie "village sur la côte", alors qu'il se situe en plein coeur des montagnes... à moins qu'il ne s'agisse d'un jeu de mot sur son propre nom : Kustu-dorf, le village de Kustu ?


Le rêve d'Emir était de construire une école de cinéma, de développer l'agro-tourisme dans cette région, de donner une seconde vie aux nombreux kilomètres de voies ferrées construites pour le film... C'est bientôt chose faite, avec également une église, un hôtel, un restaurant, des boutiques, et des maisons, pour lui, sa famille et ses amis.

L'école a effectué sa première saison à l'été 2005 sur le thème "Art is (not) in transition", orientée sur la transition dans les Balkans du communisme au capitalisme. Le stage d'une semaine de cinéma, pris en charge par Emir Kusturica lui même, a accueilli une trentaine d'étudiants réalisateurs du monde entier. Hebergés sur place, dans le village, la "première promotion Küstendorf" a assisté d'abord à plusieurs jours de cours théoriques où Emir présentait des extraits de ses films cultes, les rapprochant de certaines scènes qu'il avait tournées dans ses propres films, et en faisant réfléchir les élèves sur les techniques employées.
Dans la deuxième partie du stage, les élèves ont réalisé 2 courts métrages, sur la base de scénarii écrits sur place, en prenant comme sujet principal le cuisinier du village.
Ces stages sont amenés à se reproduire, sans doute dès l'été 2006. Les informations seront données ici dès que disponibles.


Le village a remporté en 2005 le prestigieux prix d'architecture Philippe Rotthier pour la construction d'une ville. Le compte-rendu en détail et en images de l'inauguration et de la remise du prix. A cette occasion, Maurice Culot et Philippe Rotthier ont rédigé un ouvrage intéressant : Alter-Architecture, traitant de l'évolution des différentes formes d'alter-architecture au fil des siècles, et reprenant chacun des lauréats du Prix Philippe Rottiher, dont bien sûr, Küstendorf. Cet ouvrage est disponible sur Amazon.fr.

Le village a désormais son site internet officiel : www.kustendorf.com


Egalement appelé Drvengrad (le village en bois), l'adresse postale du village est :
Drvengrad
Resavski put 10
31000 Užice
Serbie & Montenegro


Sur cette carte, on voit que Küstendorf se situe non loin de Višegrad, la ville au fameux "pont sur la Drina", rendu célèbre par Ivo Andrić, situé de l'autre côté de la frontière serbo-bosniaque.


Le village a été inauguré en grandes pompes le 25 septembre 2004, avec la projection en avant première de son film La vie est un miracle. On voit ci-dessous Emir Kusturica avec le premier ministre de Serbie & Monténégro Vojislav Koštunica.


La voie de chemin de fer qui mène à Küstendorf se nomme "Sarganska osmica" (le Huit de Chargan), du nom du mont Chargan que la brave locomotive doit gravire, dans un paysage impressionnant de forêts et ravins. En gare de Mokra Gora, on peut ainsi voir les cheminots s'affairer. Ils font rutiler deux antiques locomotives à vapeur avec un soin tout particulier pour la petite "Elza", de fabrication allemande. Sur un itinéraire de 15,5 km, le train, qui peut transporter une centaine de passagers, passe sous 22 tunnels, franchit une douzaine de ponts ou viaducs tout en décrivant un huit autour du mont Chargan. C'est la véritable maquette de ce train que Luka construit dans le film La vie est un miracle. A l'approche de chacune des quatre gares du parcours près desquelles plusieurs hôtels, restaurants ou cafés sont encore en construction, le conducteur actionne le puissant sifflet. La ligne, reconstruite en 1999, est une des curiosités de la Serbie que les autorités veulent mettre en valeur afin que leur pays réapparaisse enfin dans les guides touristiques.
Le "Huit de Chargan" doit encore être étendu. A l'ouest jusqu'à la ville bosniaque de Višegrad, au sud jusqu'à la principale voie de chemin de fer serbe qui relie Belgrade au port monténégrin de Bar. Le petit train vert retrouverait ainsi un peu de sa vocation première, celle de sa construction en 1920. Il était alors destiné à relier entre elles les différentes parties de ce qui à l'époque était le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.
"Il y aura un jour une route de fer sur le mont Chargan", avaient prédit il y a plus de 150 ans les frères Tarabić, des Nostradamus locaux, célèbres dans la région parce qu'ils auraient, dit-on, prévu qu'un jour les hommes pourraient communiquer à distance grâce à un appareil bizarre : le téléphone en l'occurence. "Et un jour", avaient-ils ajouté, "les gens qui emprunteront cette route de fer ne le feront plus que pour leur plaisir". Une prophétie qui s'est bel et bien réalisée.

Emir Kusturica en mars 2005 avec le Prince héritier Alexandre Karageorgevic de Yougoslavie (fils du roi Pierre II)


Merci à Julia et à Nina pour les photos.