Guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons

Assassinat_Duc_Orleans En raison de ses ennuis de santé, Charles VI se voit contraint de laisser la reine Isabeau de Bavière présider un conseil de régence, où siègent les grands du royaume. On y trouve notamment le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, oncle du roi, fin politique qui a une forte influence sur la reine ainsi que Louis d'Orléans, le frère du roi, que l'on soupçonne d'être l'amant de la reine. À la mort du Hardi, son fils Jean sans Peur,, moins lié à Isabeau, perdra encore de l'influence.

Tandis que Louis d'Orléans, tirant du Trésor royal les neuf dixièmes de ses revenus, achète terres et places fortes dans les marches orientales du royaume que les Bourguignons considèrent comme une chasse gardée, Jean Sans Peur, qui n'a pas le prestige de feu son père, voit se tarir les largesses royales. Alors que le père recevait deux cent mille livres par an, le fils doit se contenter de trente-sept mille.

Sur le plan politique, l'attitude à tenir face aux Anglais les oppose également : Louis d'Orléans veut faire rompre la trêve franco-anglaise, quitte à provoquer Henri IV de Lancastre en duel, ce que Jean sans Peur ne peut admettre, car les industriels flamands dépendaient totalement des importations de laine d’outre-Manche et auraient été ruinés par un embargo.

Louis d'Orléans, par ses manigances, bénéficie de la bienveillance de son frère le roi lors de ses phases de sortie de crise : il réussit ainsi à faire évincer les Bourguignons du conseil. C'en est trop pour Jean sans Peur qui décide de se débarrasser de son exaspérant rival : il le fait assassiner à Paris, rue Vieille du Temple, le 23 novembre 1407, alors que celui-ci sort de chez la reine, qui vient d'accoucher. Cet assassinat déclenche la guerre civile.

Pour montrer que Jean sans Peur ne craint rien ni personne, il fait ériger en 1409, au cœur même de la capitale, un tour fortifiée adossée à son hôtel particulier : la Tour Jean sans Peur. Les Bourguignons lancent des rumeurs sur la liaison entre la reine et Louis d'Orléans, questionnant la paternité du Dauphin.

Charles d'Orléans, le fils de Louis, épouse en 1410 la fille de Bernard VII d'Armagnac. Il forme alors à Gien, à l'occasion de ses noces, une ligue contre le duc de Bourgogne et ses partisans, dans laquelle entrent, outre le duc d'Orléans et son beau-père, les ducs de Berry, de Bourbon et de Bretagne, ainsi que les comtes d'Alençon et de Clermont. De plus, Bernard VII recrute dans le Midi des bandes qui font la guerre avec une férocité inouïe : les Écorcheurs. À leur tête, il ravage les environs de Paris et s'avance jusqu'au faubourg Saint-Marcel. Un traité, signé à Bicêtre le 2 novembre 1410, suspend les hostilités, mais, dès le printemps 1411, les partis reprennent les armes. Les Armagnacs se répandent dans le Beauvaisis et la Picardie. En octobre 1411, fort d'une armée de 60 000 hommes, le duc de Bourgogne entre dans Paris et attaque les Bretons, alliés des Armagnacs, qui sont retranchés à La Chapelle. Il doit reculer, mais, dans la nuit du 8 au 9 novembre, il sort par la porte Saint-Jacques, marche sur Saint-Cloud et défait complètement l'armée des Écorcheurs. Puis Jean sans Peur poursuit les princes d'Orléans et leurs alliés, assiège Dreux puis Bourges, mais l'armée royale paraît devant cette ville et contraint les deux parties à signer un nouveau traité de paix.

Le duc de Bourgogne reste neutre vis-à-vis des Anglais, qui reprennent les hostilités en 1415. Il laisse ainsi Henri V défaire l'armée française, essentiellement pourvue par les Armagnacs, à la bataille d'Azincourt en octobre 1415. Jean sans Peur en profite et s'empare de Paris en 1418 ainsi que d'une grande partie du territoire, fort du soutient de la population. Le Bourguignon entre alors en négociation avec les Anglais, favorable aux prétentions du roi d'Angleterre au trône de France, mais également avec les Armagnacs et le dauphin, car ses finances sont au plus bas.

Le 10 septembre 1419, Jean sans Peur se fera assassiner, à Montereau-Fault-Yonne, lors d'une entrevue avec le Dauphin Charles, par des hommes de main du parti des Armagnacs, qui craignaient que le Dauphin ne cède trop aux Bourguignons. Cet acte empêche tout apaisement et fait s'effondrer ce qui reste du royaume de France.

Philippe le Bon, le nouveau Duc de Bourgogne, fait alors clairement alliance avec les Anglais et fait signer le traité de Troyes, où Charles VI déshérite le dauphin et marie sa fille Catherine de Valois à Henri V d'Angleterre. Le roi d'Angleterre reçoit la couronne de France et Charles VI récupère le pouvoir dont il a été évincé depuis 1392, du fait de ses accès de folie. Il exercera une régence sur ce qui lui reste de terres au sud-est de la France jusqu'à sa mort, en 1422. Ce traité est évidemment dénoncé par les Armagnacs, qui arguent "que le roi appartient à la couronne et non pas l'inverse". Il faudra l'intervention de Jeanne d'Arc pour que Charles VII puisse être légitimé par un signe divin et sacré à Reims, le 17 juillet 1429, prenant de court le successeur d'Henri V, aussi décédé en 1422.

Charles VII, engagé dans une patiente reconquête du territoire français, souhaite isoler les Anglais des Bourguignons. En 1435, il conclut avec Philippe le Bon le traité d'Arras, qui reconnaît l'indépendance de la Bourgogne. Cet accord met officiellement fin à la guerre et va permettre à Charles VII de reprendre aux Anglais pratiquement toutes leurs possessions continentales.

Commentaires

1. Le 24 mai 2013, 19:07 par Jean-Philippe Depotte

Bonjour Matthieu,

je découvre aujourd'hui ton blog et je m'attaque à la lecture à rebours de tous tes articles.
Passionnants !
Qui plus est, alors que je me considère comme quelqu'un d'instruit en matière d'Histoire, je découvre le moyen-âge que tu décris comme un nouveau monde.
Superbe travail !

Jean-Philippe Depotte

2. Le 25 mai 2013, 10:08 par Matthieu

Salut Jean-Philippe,
Ravi de te recroiser sur mon blog ! Et merci pour tes commentaires.
Quelques péripéties ont retardé la publication de mon deuxième roman historique, mais à présent, il est bien sur des rails, et sa sortie est prévue le 15 octobre : je serai donc à Epinal l'an prochain, où l'on se verra peut-être ?
Les articles récents sur mon blog concernent ce nouveau roman, mais comme il se situe dans une période peu éloignée de Saltarello, il y a des ponts de l'un vers l'autre...
Amitiés,

Matthieu Dhennin

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