Le mouvement des Turlupins s'inscrit dans la lignée des courants de pensée dits de "libre-esprit" qui essaimèrent en Europe à partir du XIIème siècle.
A l'instar d'autres mouvements comme les Cathares, les Vaudois, mais aussi les Templiers, ou les Franciscains, les Turlupins prônaient un idéal de pauvreté. C'était un ordre mendiant, poussant la notion de pauvreté au paroxysme, en vivant nus la plupart du temps.
Dans la doctrine turlupine, la pauvreté doit laver l'homme de tout péché et ressusciter le Christ en lui. C'est donc en écoutant ses propres désirs que l'homme entrera dans l'ère de "l'Esprit libre" où il pourra connaître la béatitude dès la vie terrestre. La charité se confond ainsi avec l'amour charnel qui se consomme sans restriction au sein de la communauté. Pour les Turlupins, une femme enceinte l'est par l'opération du Saint-Esprit.
Sur le plan philosophique, les Turlupins aspirent à la pauvreté intellectuelle (beati pauperes spiritu). L'esprit qui devient vacant permet de mieux recevoir Dieu.
La première condamnation papale remonte à 1204, et l'Inquisition n'aura de cesse de les pourchasser. Mais peu enclins au martyr, les Turlupins n'hésitent pas à feindre la dévotion la plus conforme et s'abstiennent de prosélytisme. C'est ainsi qu'ils échappent la plupart du temps aux épurations et se maintiennent au fil des siècles sans que l'on puisse dire que leur mouvement ait réellement pris fin à un moment précis.
Les procès et les documents historiques sont donc rares, mais on connaît, par exemple, l'exemple de Marguerite Porète, qui fut brûlée vive en place de Grève à Paris, le 1er juin 1310 avec le livre qu'elle avait écrit (le Mirouer des simples ames anienties). C'est donc surtout par les sources inquisitoriales que l'on peut se représenter leur doctrine, bien que le fantasme de l'inquisiteur devait certainement orienter les aveux.

Protagoniste du roman, Jeanne Daubenton est un personnage historique, dont la chronologie a été adaptée pour satisfaire les ressorts de l'intrigue.
De fait, on sait peu de choses sur elle. Les documents de la ville de Paris révèlent qu'elle fut brûlée vive, elle aussi, en 1372, en place de Grève. On dit qu'elle allait entièrement nue, et qu'elle proférait qu'il n'y a nul péché à satisfaire ses passions et tous les désirs des sens....

Commentaires

1. Le 7 février 2009, 17:32 par Claude TOURENA

Bonjour ! Je tombe sur votre blog... Je travaille sur le thème des Béguines et des mouvements dérivés, notamment :les Turlupins.. Leur histoire m'interpelle également en tant qu'historien du Naturisme. Quelles ont été vos sources pour votre roman ? Avez-vous une trame historique solide ou est-ce une oeuvre de fiction ? Un certain Claude ARNAULT, dans les années 50 avait écrit un récit romanesque sur les Turlupins. Le connaissez-vous ? A bientôt !

2. Le 8 février 2009, 12:05 par Matthieu

Bonjour,
Merci pour votre message.
Pour ce qui concerne les Turlupins, une de mes principales sources est l'admirable livre d'Eliane Viennot :"La France, les femmes et le pouvoir : Tome 1, L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle)". Ensuite, pour ce qui est du côté historique, j'ai entièrement revu mon texte avec une médiéviste du CNRS.
Il s'agit donc d'une oeuvre de fiction, mais avec bon nombre de personnages historiques réels.
Sinon, non, je ne connais pas Claude Arnault.
Matthieu

3. Le 9 février 2009, 12:07 par Claude TOURENA

Merci pour votre réponse. Votre médiéviste du CNRS a-t-elle fouillé tout particulièrement la question de ces mouvements dissidents(socialement et théologiquement !) regroupés par l'Eglise et l'Inquisition sous le vocable des "Frères et soeurs du Libre Esprit" ?
Avec des sous-groupes tels que les "adamistes", les "clémentins", etc...
Marc-Alain DESCAMPS (voir son site) s'interesse depuis longtemps à cette mouvance. Je pense qu'il faudrait réexaminer les actes des procès inquisitoriaux de Pieronne DAUBANTON, de Marguerite PORETE, d'ADEYLIS et de tant d'autres. Mais où sont-ils conservés ? Le savez-vous ? Mon article "Des Béguines à la Sainte-Baume ?!" va sortir vers le 18 Février. Etes-vous interessé ? Bien cordialement.

4. Le 9 février 2009, 15:48 par Matthieu

Malheureusement, les Turlupins occupent une place secondaire dans le récit, et nous n'avons pas travaillé sur les actes des procès inquisitoriaux. Cela dit, le sujet m'intéresse, et je lirai votre article avec beaucoup d'intérêt. Merci de me le faire suivre.

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