31 juillet 2008

L'alchimie

Allégorie de l'alchimieComme son étymologie l'indique, l'alchimie occidentale au Moyen Âge est un prolongement des recherches effectuées par les Arabes. Au XIIIème siècle, la plupart des grands traités scientifiques arabes ont été traduits en latin, et se diffusent aisément parmi les intellectuels du monde chrétien.

Qu'elle soit arabe, latine, grecque ou encore égyptienne, l'alchimie consiste à tenter de fabriquer la pierre philosophale, c'est à dire à réussir le Grand Oeuvre, et ainsi être capable de transmuter les métaux vils en or, ou en argent. Un autre but est essentiellement thérapeutique : la recherche de l'élixir d'immortalité et de la Panacée (la médecine univierselle).

Au XIVème siècle, les alchimistes latins se distinguent des alchimistes arabes en abandonnant les recettes à base d'excréments, de sang ou de poils, pour leur substituer les techniques "métalliques" à base de mercure, de souffre et de plomb. Certains incorporent à leurs recettes de l'or pur, qui par un effet similaire au levain, se démultiplierait dans les alambics.

De nombreux traités furent écrits, tous maquillant les pseudo-découvertes sous de complexes et hermétiques symboles que seuls les initiés pouvaient comprendre et interpréter.

Beaucoup de ces traités fonctionnaient par allégories religieuses, la quête de l'Oeuvre s'apparentant à la résurrection du Christ. Ces traités étaient également écrits sous des pseudonymes, car même si l'alchimie en tant que telle n'a jamais été condamnée par l'église, il était déjà admis par ceux qui avaient notamment lu Aristote, que la transmutation des métaux n'était tout simplement pas possible. Ces traités s'apparentaient donc davantage à des joutes intellectuelles plutôt qu'aux quêtes d'immortalité que renvoie l'imagerie populaire de l'alchimiste médiéval.

Dans la symbolique utilisée dans ces traités, la numérologie joue un grand rôle. Chaque minerai, chaque couleur, chaque planète, chaque essence est associée à un nombre, une lettre, un symbole...

De très tenaces légendes ont voulu, plusieurs siècles encore après sa mort, que l'écrivain-juré Nicolas Flamel ait découvert la pierre philosophale et ait ainsi obtenu la vie éternelle, après avoir appliqué l'élixir sur sa femme et sur lui-même...

30 juillet 2008

Charles VI

Charles VI, roi de France Charles VI, dit le bien aimé, roi de France.

Fils de Charles V, Charles VI accède au trône à l'âge de 11 ans en 1380, et se fait sacrer roi à la cathédrale de Reims. Mais en raison de son jeune âge, et comme pour les premières années du règne de son père, ce sont ses oncles qui gouvernent réellement le royaume : les ducs d'Anjou, de Bourgogne, de Berry et de Bourbon se disputent le pouvoir et s'enrichissent sur le dos de la population accablée par le rétablissement d'anciens impôts en janvier 1382. Cette situation débouche sur la révolte des Maillotins, qui sera matée dans le sang. En 1388, Charles VI reprend la main, et renvoie ses oncles, comprenant qu'ils ne cherchent que leur intérêt personnel.

Charles VI devient vite populaire auprès des Français (d'où son surnom de bien aimé). Sous son règne, en effet, la paix et la prospérité revient, après des décennies de maladies, de guerre et de famine.

Malheureusement, le roi va tomber malade. Il est atteint de graves troubles psychiatriques. Sa première crise se manifeste en 1392, lorsque, chevauchant avec sa suite dans la forêt du Mans, le roi se met à hurler et attaque ses propres hommes. Il se fait maîtriser, mais parvient à tuer quatre personnes. Après quelques heures, il reviendra à lui et demandera pardon.

En 1393, survient l'épisode du bal des Ardents. Pour égayer le roi, son épouse Isabeau de Bavière organise un bal costumé à l'Hôtel Saint-Pol. Le roi, et quelques uns de ses amis se déguisent en "sauvages", mais leurs costumes prennent feu, et plusieurs personnes meurent dans ce tragique événement qui ébranle encore plus le souverain.

Par la suite, le roi souffrira de nombreuses crises de durées plus ou moins longues, pendant lesquelles il est alité, incapable de gouverner, mais entre lesquelles il se montre travailleur, diplomate et intelligent. Profitant des indispositions du roi, les oncles reprennent épisodiquement le pouvoir. Pendant les longues années de son règne, on tente tout pour le guérir. Des dizaines de médecins venus de toute l'Europe se penchent sur son cas, une ferveur religieuse populaire intense se dessine spontanément. Naturellement, on pense que le roi a été empoisonné, ou ensorcelé. Des charlatans de toute espèce tentent d'approcher la couche du roi, mais beaucoup se font évincer ou punir pour leur manque d'efficacité.

L'histoire lui a souvent légué le surnom de "Charles VI le fol", mais ce qualificatif ne lui a jamais été donné de son vivant, eu égard au respect envers le roi, ainsi que sa très grande popularité qui n'a jamais faibli, malgré ses absences.

Charles VI s'éteint le 21 octobre 1422 après un long et difficile règne, marquée par la guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons et lègue un royaume en plein rétablissement à son fils, le futur Charles VII. Ce dernier mettra fin à la guerre de Cent Ans, avec l'aide imprévue de Jeanne D'Arc...

28 juillet 2008

Taillevent

Tomb de Guillaume Tirel & de ses deux femmesGuillaume Tirel, dit Taillevent, fut un des premiers grands chefs cuisiniers français. Né à Pont-Audemer vers 1310, il mourut en 1395.

Tout jeune il est au service de Jeanne d'Evreux comme "enfant de cuisine", puis il entre au service du roi Philippe de Valois. Il devient queux pour le duc de Normandie (futur Charles V), ainsi que, sans doute, pour le duc de Berry, qui assurent la régence du Royaume pendant la captivité de Jean II. Il deviendra ensuite premier queux et se fera anoblir par Charles VI.

Il est crédité pour avoir rédigé le premier livre de recette : le viandier, à la demande de Charles V. Il s'agit partiellement d'un travail de compilation de recettes antérieures, et de créations. Quatre manuscrits du Viandier sont connus: le plus ancien est conservé à la bibliothèque Nationale, les trois autres étant à la bibliothèque Mazarine, aux archives de la Manche à Saint Lô et au Vatican.

Le titre complet de l'ouvrage est : Cy après sensuyt le viandier pour appareiller toutes manières de viandes que Taillevent queux du roy nostre sire fist tant pour abiller et appareiller bouilly, rousty, poissons de mer et d'eaue doulce, saulces, espices, et autres choses à ce convenables et nécessaires comme cy après sera dit.

Le mot "viande" est ici utilisé au sens latin de "vivenda" les aliments en général. Les modes de cuisson décrits sont essentiellement le roti et le bouilli, les apprets farcis ou à base de hachis sont nombreux (patés, tourtes, flans). Enfin il faut noter l'importance attribuée aux plats de carême, à la cuisine des jours "maigres" ou "gras" selon les prescriptions de l'Eglise.

On trouve parmi les recettes du Viandier, des recettes étonamment simples. Certaines formules étant pratiquement réalisables aujourd'hui sans presque rien y changer.

Aujourd'hui, Taillevent est le nom d'un célèbre restaurant gastronomique de Paris.

27 juillet 2008

Nicole Oresme

Nicole OresmeNicole Oresme est un des plus grands penseurs du XIVème siècle. Né dans le village d’Allemagne (l’actuel Fleury-sur-Orne) en 1325 et mort à Lisieux le 11 juillet 1382, il fut économiste, mathématicien, physicien, astronome, philosophe, psychologue, musicologue, théologien et traducteur français.

Dans pratiquement tous les domaines qu'il étudia, il se montra un remarquable précurseur. Il eut aussi le grand mérite de vouloir mettre le savoir scolastique à la portée d'un large public en traduisant en français plusieurs textes d'Aristote et en donnant des versions françaises de certaines de ses propres oeuvres. Ce travail nouveau pour l'époque a été d'autant plus important qu'il a certainement joué un rôle dans le développement de la langue française.

En 1348, il est admis au collège de Navarre, à Paris. Ce collège était ouvert sans condition de naissance, de famille ou d'âge, à tout français pauvre qui se destinait à l'étude de la grammaire, de la logique ou de la théologie. Nicole Oresme y reste treize ans et s'y distingue très vite; étudiant puis maître en divinité, il devient grand-maître le 4 Octobre 1356.

En 1360, le roi Jean II l’engage comme précepteur pour son fils, le futur Charles V.

Ainsi, pendant qu'il remplissait au collège ses diverses fonctions, il publie des oeuvres sur l'astrologie, la théologie, les mathématiques. Son traité des monnaies lui vaut d'attirer l'attention du dauphin Charles V beaucoup plus ouvert que son père Jean II à la réflexion rationnelle et morale. Ainsi le philosophe va devenir un protégé de Charles V et entrer dans une nouvelle carrière. Il séjourne également à Rouen, mais fréquente surtout la cour. Il obtient le titre de secrétaire du roi puis de conseiller et de chapelain. C'est durant cette dernière partie de sa vie qu'Oresme écrit ses oeuvres en français et publie ses traductions commentées des livres d'Aristote. Il effectuera également une mission diplomatique à Avignon, à la demande du roi, lors du schisme). Il est sera enfin sacré évêque de Lisieux le 28 janvier 1378. Charles V assiste à la cérémonie et lui offre deux anneaux d'or. Nicole Oresme s'installe définitivement à Lisieux à partir de juin 1378. Il y meurt le 11 juillet 1382. Son corps est déposé dans la cathédrale, près de la porte gauche du choeur.

En géométrie analytique, ses conjectures et démonstrations feront autorité pendant plusieurs siècles, avant que de grands mathématiciens tels que Fermat, Descartes ou Pascal mettent au point des outil de calcul plus complexes et élaborés que ceux que connaissait Nicole Oresme.

De plus, ses écrits portèrent également sur le mouvement rectiligne uniformément accéléré. Il établit que si la vitesse à l'instant zéro est nulle, la distance parcourue est proportionnelle au carré du temps. Gallilée a eu connaissance de ces travaux, et s'en est largement inspiré pour ses propres théories.

Quant à l'astrologie, Oresme défend évidemment la sphéricité du monde, mais il va encore plus loin : près de deux siècles avant Copernic, il établit deux solutions pour décrire le mouvement des étoiles : soit le ciel tourne, soit le terre tourne sur elle même. Il propose ainsi d'expliquer le mouvement diurne par l'hypothèse de la rotation de la terre sur elle-même par rapport à l'ensemble du ciel immobile, et il montre que les deux hypothèses sont équivalentes. Mais il ajoute ensuite que son hypothèse étant plus simple que celle des anciens (et de l'Eglise), elle doit surement être la bonne.

Dans bien d'autres domaines encore son génie a excellé. Ainsi, il a travaillé sur les questions de mécanique ondulatoire du son et de la lumière. Oresme a été le premier à théoriser que la nature de la couleur et de la lumière sont identiques. Il avait compris que la couleur n’est que de la lumière blanche brisée et reflétée, c’est-à-dire que « les couleurs font partie de la lumière blanche ». Cette brillante théorie a en outre été inspirée par ses investigations musicologiques : dans sa théorie des harmoniques et de la couleur de tonalité, il a établi une analogie entre les gammes musicales et le phénomène du mélange cyclique des couleurs.

Ces fragments de l’œuvre monumentale d’Oresme montrent qu’il était l’un des scientifiques les plus innovateurs à l’aube de l’âge moderne et un pionnier du monde moderne.

25 juillet 2008

Le cimetière des Innocents

L'origine de ce cimetière remonte au XIIème siècle, installé alors hors les murs de la ville de Paris. Situé à côté des Halles, il était alors décrit comme un cloaque fangeux dans lequel les animaux erraient pour trouver leur nourriture, mais il devint aussi rapidement un lieu de fréquentation des marchands, des écrivains publics, des prostituées et des lingères. Le cimetière tient son nom de l'église voisine aujourd'hui disparue, dédiée aux Saints-Innocents, enfants de Judée massacrés sur l'ordre d'Hérode.

Quand Philippe-Auguste fit fermer Paris d'une nouvelle enceinte à la fin du XIIème siècle, le cimetière fut agrandi, enclos d’un mur de 3 mètres de haut, et englobé dans les nouvelles limites de la ville, devenant ainsi un cimetière intra-muros. Il se présente alors sous la forme d’un rectangle compris sur sa longueur entre les rues aux Fers (actuelle rue Berger) et de la Ferronnerie, sur sa largeur par les rues Saint-Denis et de la Lingerie, c’est à dire une surface sensiblement plus grande que l’actuel square Joachim Du Bellay (ou l'on peut toujours admirer la fontaine aux Innocents). Cinq portes y donnaient accès.

Le cimetière des Innocents

Le cimetière était celui des paroisses de la rive droite, mais également des noyés de la Seine et des morts par épidémies. Les plus modestes se faisaient inhumer dans des fosses qui restaient ouvertes jusqu’à ce qu’elles fussent pleines. Plusieurs fosses étaient ouvertes simultanément, correspondant aux différentes institutions percevant des droits. Elles étaient très nombreuses lors des épidémies de peste noire du XIVème siècle. Pour la bourgeoisie, la sépulture individuelle était la norme. Certains étaient inhumés en cercueil (on a retrouvé des traces de bois et des clous), mais la plupart l’était dans un simple linceul : la terre des Innocents avait la réputation de dissoudre les corps en un temps record !

En raison de l’augmentation démographique, il fallut trouver de la place, et donc un moyen de vider les fosses. C’est l’origine des charniers, qui furent construits entre le XIVe et XVe siècle, et adossés au mur d’enceinte tout autour du cimetière. Les bourgeois de la ville firent édifier ces arcades, souvent pour leur usage personnel (ainsi, Nicolas Flamel fit construire l’une d’entre elles pour le tombeau de sa femme Pernelle). Peintures, fresques et épitaphes fleurirent rapidement, la plus célèbre étant la danse macabre.

Le cimetière comprenait également en son sein différentes chapelles privées, ainsi qu'un reclusoir (occupé essentiellement par des femmes) adossé à l'église du cimetière.

Le cimetière fut supprimé en 1785, et l'année suivante, les ossements furent, de nuit, déblayés des fosses et amenés dans les futures Catacombes créées pour l’occasion. L’exhumation ne se fit qu'à une profondeur d’1m60, ce qui permet d’assurer que de nombreux corps subsistent encore sous la chaussée de l’actuel square. On considère que depuis son ouverture, quelques deux millions de Parisiens y avaient été inhumés.

23 juillet 2008

La Hanse parisienne

La hanse désignait, au Moyen Âge, une association de marchands. La plus célèbre était la hanse germanique, qui faisait commerce depuis la mer du Nord jusqu'à la Baltique. Il a existé également en France des associations de marchants appelées hanses. La plus importante et la plus ancienne étant celle des marchands sur l'eau de Paris, datant de l'époque romaine.

Fluctuat nec mergitur - Blason de la ville de ParisSous saint Louis, la hanse devint définitivement la municipalité parisienne ; jusqu'alors et depuis environ un siècle, les membres de la confrérie de la marchandise de l'eau étaient appelés échevins jurés, et on donnait à leur chef le nom de prévôt des marchands de l'eau, ou prévôt de confrérie de l'eau. C'est la raison pour laquelle le blason actuel de la ville de Paris présente un navire marchand.

La hanse, par suite de l'importance que n'avait cessé d'avoir le commerce fluvial, a peu à peu absorbé tout ce qui avait rapport à l'administration de la ville et c'est pour cela que l'on considéra les chefs de cette marchandise de l'eau comme les prévôts de tout commerce parisien. Ce fut en 1268 que le chef de la hanse parisienne, Jehan Augier, fut officiellement nommé prévôt des marchands.

Les nombreux privilèges dont jouissait le corps des marchands de l'eau passèrent avec le temps au prévôt des marchands qui acquit successivement l'administration des rentes constituées sur l'Hôtel de Ville, l'ordonnance des cérémonies publiques, l'entretien, la construction des monuments de la ville, le percement des rues, etc.

Les membres de la hanse tenaient primitivement leurs réunions dans une maison commune, appelée maison de la Marchandise ; au XIe siècle cette maison prit le nom de Parloir aux Bourgeois ; elle était située à la Vallée de Misère entre l'église Saint-Leufroy et le Châtelet, à la place où s'étend aujourd'hui la place du Châtelet. Elle fut ensuite transférée en 1357 place de Grève, dans la Maison aux Piliers et prit peu de temps après le nom d'Hôtel de Ville.

Après la révolte des Maillotins, Charles VI la supprima en 1382. On compta 14 prévôts de 1268 à 1382, le plus célèbre étant Etienne Marcel, en 1355.

22 juillet 2008

L'inquisition médiévale en France

Saint Wolfgang et le démon (Michael Pacher) L'inquisition est un tribunal qui fut créé par l'Eglise Catholique en 1231 pour lutter contre les hérésies (notamment les Cathares). Elle connaît son apogée en France dans la second moitié du XIIIème siècle. La torture (ou "question") - souvent pratiquée - est officialisée par la bulle Ad extirpenda en 1252. A Paris, elle se pratiquait dans le Palais de Justice, sur l'île de la Cité, dans la tour "Bonbec" qui borde la Seine. Bon nombre de procès se terminaient alors par des bûchers collectifs.

Le problème cathare étant "résolu" au tournant du XIIIème siècle, l'inquisition juge alors hâtivement les Templiers à la demande du roi de France Philippe le Bel, puis se diversifie et s'oriente davantage vers les procès individuels. Ainsi, la turlupine Marguerite Porète est brûlée vive avec son livre.

En 1323, l'inquisiteur français Bernard Gui (immortalisé dans Le Nom de la Rose) écrit un traité qui fera référence pendant une centaine d'année : Practice Inquisitionis (de la pratique de l'inquisition)

Mais au fil du XIVème siècle, le nombre de procès en hérésie menés par l'Inquisition diminue en France. Et tandis qu'elle perd de sa toute-puissance - en raison des nombreux abus, des scandales des procès expédiés, ou de l'usage de la torture - elle se renforce en Espagne pour devenir même un contre-pouvoir de Rome au XVème siècle.

Dans le roman, l'inquisiteur Eusèbe de Montfort est un personnage fictif.

Raymond du Temple

Raymond du Temple fut l'architecte du roi Charles V puis de Charles VI. Il est né dans les années 1330 et est décédé en 1404.

Il était également sergent d'armes, corps de gentilshommes institué par Philippe Auguste pour la garde personnelle du roi et maçon juré de Notre-Dame de Paris. Des rapports confiants, voire d'amitié, ont lié le roi et son architecte ; ainsi, Charles V était le parrain du fils de Raymond du Temple, Charles, qui devait succéder à son père et lui versa, durant ses études à Orléans, une pension de 200 francs or.

Durant sa prolifique carrière, Raymond du Temple supervisa, entre autres, les constructions suivantes :

  • La clôture du chœur de la cathédrale Notre-Dame de Paris (et fin de la construction)
  • L'aménagement du château du Louvre afin de le transformer en résidence pour le roi. Un nouveau logis est construit pour accueillir les appartements royaux situés aux 1er et 2e étages, desservis par un grand escalier à vis hélicoïdal nommé "La Grande Vis", célèbre et par sa dimension et par son décor sculpté. On peut encore admirer une partie de cet escalier aujourd'hui, dans la salle des fondations du musée du Louvre.
  • L'aménagement de l'Hôtel Saint-Pol
  • L'achèvement du donjon du château de Vincennes
  • L'élaboration des plans et initiation de la construction de la Sainte-Chapelle du Château de Vincennes, inspiré de la Sainte-Chapelle de Paris.
  • La construction de l'enceinte du château de Vincennes, et de ses neuf tours.

Dans le roman, le lien de parenté entre Raymond du Temple et Jean Fusoris est fictif.

20 juillet 2008

Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol fut construit entre 1361 et 1364 par le roi Charles V dans les "marais" qui se situaient rive droite de la Seine, derrière le couvent des Célestins, près de la Porte de Vincennes. C'est l'architecte Raymond du Temple qui en supervisa les travaux.

Le roi se plaisait beaucoup en cet endroit, et il y fit un aménagement continuel du parc et des demeures somptuaires. Le souverain ne supportait pas les odeurs pestilentielles que dégageait le centre-ville ; il appréciait l'Hôtel Saint-Pol pour son grand calme.

Outre de riches décorations, une ménagerie y fut même construite. Des animaux exotiques comme des lions ou des singes y avaient été amenés et étaient entretenus à grands frais. Plusieurs salles étaient destinées aux banquets et autres festivités données par le roi. Des chambres étaient réservées aux invités, d'autres au roi et à sa famille. Le roi et la reine disposaient de leurs propres bâtiments. Les pièces étaient toutes luxueusement ornées de bois précieux, de peintures, d'orfèvrerie. Chaque pièce fut agrémentée selon les goûts personnels du monarque. De plus, cet hôtel renfermait une remarquable collection de livres précieux que le roi aimait à rassembler, dont ceux de son père Jean II qui fut également grand amateur de livres. Cette collection de livres permettra à Charles V de créer la Bibliothèque royale qui deviendra quelques siècles plus tard la Bibliothèque nationale de Paris.

Quant aux jardins, outre la ménagerie, furent également construits un aquarium et des volières. Le parc était immense. Huit jardins furent dessinés, ceux-ci étaient séparés par des galeries qui reliaient entre elles chacune des habitations.

Charles VI, son fils y passera également une grande partie de son temps, profitant du calme pour se reposer, notamment après ses crises et ses longues maladies. Son climat sain lui éviteront, selon ses dires, quelques maladies désagréables, mais surtout lui fera retrouver une bonne santé.

C'est dans cet Hôtel Saint-Pol que se déroula le 28 janvier 1393 la tragédie du Bal des ardents.

Il ne reste aujourd'hui plus aucun vestige, ni aucune représentation de cet ensemble.

11 juillet 2008

les ponts habités

le Pont aux Meuniers Au XIVème siècle, à Paris, il y avait cinq ponts qui enjambaient la Seine depuis l'île de la Cité : trois vers la rive droite, et deux vers la rive gauche.

Le plus en aval, rive droite, portait le nom de Pont aux Meuniers, car il était équipé de moulins mus par la force de la rivière (voir l'illustration). Le suivant, le pont au Change, avait prit ce nom en 1141, lorsque Louis VII ordonna aux changeurs (les banquiers) de s'y établir. Le suivant était le Pont Notre-Dame. De l'autre côté se trouvait le Petit Pont, en amont, puis le Pont Saint-Michel en aval.

Ces ponts étaient tous garnis de maisons, d'ateliers ou de boutiques. Ils formaient de véritables rues traversant le fleuve. Artères commerçantes par définition, ces ponts étaient très fréquentés, et l'étroitesse de la voirie qui restait libre entre les constructions les rendait encombrés en permanence. Assez fréquemment les façades intérieures de ces ponts étaient couvertes de nouvelles décorations (permanentes ou temporaires), particulièrement lors de célébrations ou de victoires, traités de paix, naissances royales, couronnement, etc..

De plus, leurs construction en bois (et non en pierre) ainsi qu'une certaine négligence dans leur entretien a causé l'effondrement de plusieurs de ces ponts habités. Ils furent progressivement reconstruits en pierre.

7 juillet 2008

Portraits infamants

Cette tradition macabre vient d'Italie, où les artistes étaient souvent instrumentalisés par l'état à des fins de propagande ; Ainsi, Sandro Botticelli (1444, 1510) en personne fut commissionné pour peindre des portraits infamants de conspirateurs afin qu’ils soient exposés à la vindicte populaire.

Réalisés sur des planches de bois, et apposés dans les lieux de passage, ces caricatures représentaient ceux qui avaient été jugés (ou qui étaient recherchés), pris sur le vif de leurs méfaits.

Alors que la majorité de la population ne savait ni lire ni écrire, ces portraits devaient donner toute l'information pour comprendre pourquoi untel avait été arrêté, pourquoi untel avait été pendu, ou pourquoi untel était exhibé au pilori.

Il ne reste aucun de ces portraits, mais des témoignages les attestent avec certitude dans les rues de Paris des XIIIème au XVème siècle.

Charles V

Charles V, roi de France Charles V, dit le Sage, roi de France.

Fils de Jean II, il assure la régence (avec ses oncles) pendant l'emprisonnement de son père à Londres, de 1356 à 1360, puis sera couronné à la mort de son père, en 1364.

Son règne marque la fin de la première partie de la guerre de Cent Ans : il réussit à récupérer toutes les terres perdues par ses prédécesseurs, restaure l'autorité de l'État et relève le royaume de ses ruines.

Charles V est un roi très instruit. Alors dauphin, son précepteur fut Nicole Oresme qui le sensibilisa aux auteurs classiques. Christine de Pisan le décrit comme un intellectuel accompli maîtrisant les sept arts libéraux. C'est aussi un roi très pieux, qui prend Saint-Louis comme modèle (restauration de la grandeur de l'état et du sentiment patriotique, mais aussi construction de la sainte-chapelle de Vincennes).

En 1356, lorsque son père est fait prisonnier, il n'a que dix-huit ans, mais bien des défis se présentent à lui. Il doit faire face à la révolte des bourgeois de Paris, conduits par Etienne Marcel, ainsi qu'à la Jacquerie dans le nord du royaume. Il doit également faire face à de nouvelles charges des Anglais. Paradoxalement, ces difficultés renforceront son image auprès des Parisiens. En effet, il parvient à éliminer ses ennemis sans faire couler le sang dans la capitale.

Le traité de Londres qui permet d'obtenir une paix relative avec l'Angleterre - et sa rançon de 4 millions d'écus pour le retour du roi Jean - oblige le royaume à se réorganiser. Avec Nicole Oresme aux finances, la création du franc, un système d'impôts efficace, et la réinjection des capitaux dans la population via une politique de grands travaux, ce qui crée de la richesse et des revenus réguliers pour l'état.

Ainsi, avec son fidèle Bertrand Du Guesclin, il peut alors se lancer dans une vaste reconquête des terres cédées aux Anglais. Ses troupes, mieux dirigées et mieux payées, voleront alors de victoire en victoire. Mais sa stratégie de reconquête n'est pas que militaire : elle est tout aussi diplomatique. Ainsi, il laisse venir le grand schisme d'occident pour mieux isoler l'Angleterre, et en janvier 1378, alors qu'il est victorieux sur tous les fronts, il reçoit son oncle l’empereur germanique Charles IV, afin de faire avaliser sa souveraineté et ses victoires par un des souverains les plus puissants d'Europe. Cette visite est grandiose ; elle est l'occasion de montrer que le roi de France est l'égal de l'empereur (le protocole est étudié pour cela).

Il meurt en 1380 et laisse à son fils le futur Charles VI, un royaume en bien meilleur état qu'il ne l'avait trouvé.

2 juillet 2008

La révolte des Maillotins

En 1382, les caisses de l'état sont vides. Le roi Charles VI n'a que 13 ans : ce sont, en fait, ses oncles qui règnent. Ces derniers décident alors de rétablir l’impôt sur le vin, le sel et la plupart des marchandises.

La rumeur gronde dans Paris, et très vite, le 1er mars au matin, un percepteur est assassiné aux Halles parce qu’il réclamait l’impôt à une marchande des quatre saisons.

C’est le signal, l’émeute gagne. Les émeutiers s’arment de maillets de plomb, et ces « Maillotins » vont alors saccager, piller et tuer. Vers midi, Paris est aux mains des émeutiers qui ferment les portes de la capitale, bloquent les rues par de lourdes chaînes. Au début, les bourgeois hansés s’associent à cette révolte fiscale, mais la tournure prise par les évènements les inquiète. Ils demandent une audience au duc de Bourgogne (un des oncles de Charles VI) pour obtenir l’abolition de l’impôt et l’amnistie pour les meurtres. Celui ci refuse, ce qui provoque la colère de la foule qui se dirige vers les prisons de la capitale, libère les prisonniers, saccage les édifices.

Une répression terrible va s'abattre sur les émeutiers dont les meneurs seront décapités ou pendus sans autre forme de procès. Cette véritable « révolte fiscale » débouche sur la loi martiale et incite Charles VI à reprendre les choses en mains. Dans un premier temps, il abolit l’impôt et accorde l’amnistie, mais pas pour les meneurs.

C'est alors qu'une révolte identique éclata à Gand, où l’armée écrase les insurgés flamands. Le roi peut alors s’imposer et affronter la révolte parisienne. Charles VI revient à Paris à la tête des troupes, les chaînes sont retirées et les Parisiens désarmés. Les arrestations et exécutions se succèdent.

En 1383, Charles VI rétablit l’impôt indirect, la révolte des Maillotins est définitivement écrasée.

1 juillet 2008

Le Château de Vincennes

Le Château de Vincennes est le plus important château fort royal français subsistant, et par la hauteur de son donjon (50 mètres), il est la plus haute forteresse de plaine d'Europe.

Les bâtiments médiévaux que l'on peut admirer de nos jours ont été construits sur une courte période, au XIVème siècle.

Les Capétiens prisaient déjà l'endroit. S'il n'en reste rien de visible, des fouilles attestent la présence d'un manoir médiéval qui se trouvait idéalement situé en bordure de l'immense forêt de Vincennes. L'endroit était parfait, pour surveiller Paris, tout en se détendant à la chasse.

Saint-Louis (Louis IX) y est même souvent représenté, rendant la justice sous un chêne. Ce roi diplomate et pieux entreposa même à Vincennes une partie des reliques de la Passion, ramenées de Terre Sainte.

le donjon du château de VincennesMais c'est surtout Jean II qui, de retour d'exil, ordonne la construction d'un gigantesque donjon afin d'asseoir son autorité retrouvée. Le 22 avril 1361, le roi nomme Jean Goupil «payeur des œuvres», c'est-à-dire gestionnaire du financement de la construction de cette tour. Ce que Jean II décide de construire est à la fois une résidence royale, un lieu de protection et un point d'appui militaire aux portes de Paris. Le donjon encore aujourd'hui dans un état remarquable, témoigne du génie de son architecte : Raymond du Temple. Ce programme multiple est alors tout entier dans le donjon et son enceinte : l'enceinte du château, entreprise en 1373, n'était pas prévue à ce stade.

Même si la construction fut achevée en un temps record en 1370, ce qui est remarquable pour une œuvre d'un telle complexité, Jean II n'en profitera pas, étant décédé en captivité à Londres. Ainsi, le donjon étonne par la puissance qu'il dégage de l'extérieur, mais aussi par la finesse et la richesse de sa décoration intérieure. La seule et fine colonne qui soutient les voûtes de chacune des pièces centrales de chaque étage encaisse un poids intelligemment réparti selon de très complexes et astucieux transferts de forces qui ont été récemment mis au jour, lors des travaux de restauration du donjon.

le château de Vincennes en 1380 Le lieu plaisait à Charles V, et il va décider de continuer les travaux, en lançant un autre projet titanesque : clore l'ensemble des bâtiments capétiens et le donjon en une gigantesque enceinte fortifiée. Cette enceinte fut réalisée dans sa totalité (avec ses neuf tours) dans le temps record de 8 ans, ce qui a dû impliquer une logistique de chantier incroyable, étant donné la quantité de pierres qu'il a fallu transporter, tailler et assembler. Il a sans doute dû s'agir du plus grand chantier de construction de toute l'Europe.

Ainsi, en quelques années, pour la construction, on a utilisé environ 260 000 blocs de calcaire d'une hauteur d'un pied, d'une longueur moyenne de 80 cm, d'une épaisseur de 50 à 70 cm : cela signifie l'arrivée en moyenne de 130 blocs par jour ouvrable. Sans compter les matériaux nécessaires pour les parements, les portes, les fenêtres, etc.

Le coût de construction du château fut considérable. Les quelques documents conservés permettent d'affirmer que le chantier, entre 1361 et 1380, coûta au roi plusieurs centaines de milliers de livres, cette énorme somme englobant les travaux proprement dits mais aussi les dépenses liées à l'agrandissement du Bois et aux aménagements intérieurs des constructions.

Car bien que réalisée en un temps très court, la construction fut d'une très grande qualité. Le soin apporté à l'assemblage, à joints fins, des pierres des parements extérieurs du donjon et de son châtelet et surtout de l'enceinte du château, est remarquable.

Enfin, en 1379, Charles V ordonne la construction de la Sainte-Chapelle, pour honorer la mémoire de son aïeul, et protéger les reliques de la Passion. Cependant, le roi meurt l'année suivante, et ce projet n'est pas repris pas son fils, Charles VI, jugeant trop dispendieuses les dépenses faites à Vincennes. La construction en reste au stade de fondation pendant de longues années, avant qu'elle ne reprenne timidement dans les années 1395, sans toutefois être achevée. Le chantier ne fut réellement achevé qu'en 1559 par Henri II.

Pour aller plus loin : chateau-vincennes.fr